Tuesday, March 30, 2010

Retour à la civilisation

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Après être sortis vivants des immenses nuages de sauterelles qui prennent le bush d’assaut, nous sommes finalement arrivés là où ça sent bon l’exhaust (à lire à la québécoise : exâââs). Tout d’un coup, les rues fourmillaient de visages aux larges lunettes de soleil et de vitrines avec des clins-clans inutiles ou des vêtements plus mode. Les restaurants nous invitaient avec de la nourriture colorée (vivement plus de salades!) et des tables joyeusement disposées sous le soleil d’automne. Comme vous vous en doutez bien, la ville a aussi semblé aspirer un peu de la bonhommie des résidents des campagnes. Déjà, mes sourires et « g’day » tombaient un peu plus dans l’oubli, répondus seulement par la moitié des gens croisés.

Je me suis rappelé mes premiers pas en sol états-unien après ma longue aventure en Amérique latine. Comme j’avais eu peur! Peur de ne jamais retrouver la fraternité entre étrangers partagée dans les rues des villages. Ici, c’est surtout la fraternité des haltes routières que j’avais du mal à quitter, et bien sûr la tranquillité sécurisante des rues presque désertes, seulement vêtues du chant des perroquets et du bruit des camions lourds. L’Australie est magnifique pour un tas de choses, dont son système de haltes routières aménagées pour les campeurs. On y dort gratuitement, parfois avec pour seules amies les étoiles et parfois bercés par le grondement incessant des trains routiers. La terre des koalas étant immense, le « road trip » est une formule prisée chez ses résidents. Dans les haltes se forment des communautés aux liens serrés chaque soir, dans lesquelles les caravaniers perpétuels ou en vacances partagent leurs histoires, leurs visions politiques ou les aventures de leurs enfants au large. Tout ça autours d’une bière Aussie, une sorte de liquide jaunâtre très amer (merci Québec pour tes bonnes bières!). J’appréhendais donc une adaptation un peu ardue à l’environnement urbain, mais je savais aussi qu’elle serait couronnée d’émerveillement à la tonne.

Comme Marc vous l’a déjà mentionné, notre première incursion à « Babylone » fut récompensée par une attaque en plein parc familial. Gros coup dur pour le cœur planétaire; pour mon cœur de mère universelle, pour mon cœur de repriseuse de droits humains (et qui aimerait l’être toujours plus activement). Il y a tellement d’enfants sans enfance. Merci à tous mes amis qui guident merveilleusement les leurs sur cette terre, et les parents qui les ont si bien guidés et qui continuent j’en suis sûre. Il n’y avait aucune peur à avoir pour notre sécurité, étant avec plein de familles un dimanche ensoleillé, mais bien des réflexions à faire sur des sujets qui semblent parfois ne pas avoir de porte de sortie. Nous étions bien déçus de voir que malgré notre authentique intérêt et foi en la richesse du peuple aborigène, nous retrouvions souvent ses membres en situation sociale précaire. La situation de peuple conquis est vraiment compliquée et profondément triste. Ce qui est important de mentionner par contre est que l’enfant qui a frappé Marc était un des deux blancs de la bande. Peut-être que ça ne veut rien dire, ou peut-être que les sociologues trouveraient une explication intéressante à ce phénomène. Malgré cet incident, nous continuons à nous intéresser à toutes les cultures et surtout à profiter de la manne de rencontres ethniques et éclectiques que nous procure la ville. Nous arrivons à Melbourne le sourire aux lèvres et plein de volonté dans nos bagages.

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Tuesday, March 23, 2010

Trop de choses à dire…

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Ne jamais prendre la même route deux fois, c’est un peu notre devise. C’est pourquoi, lorsque nous avons quitté Magnetic Island le 1er mars, nous avons décidé de traverser l’Australie du Nord au Sud en prenant par le Bush, l’antichambre du fameux « Outback ». S’étendait devant nous un parcours dans le Grand Territoire Inhabité, si je peux me permettre de lui donner un nom. Ce fut une méditation souveraine, un « heureux choix » rempli de paysages surprenants, un exercice de respiration d’air frais formidablement bénéfique et une rencontre fantastique avec des cowboys et d’autres du même genre.

Notre premier arrêt fut à Charters Towers, 133 km à l’ouest de Townsville. La pittoresque rue principale avec son étalage de fer forgé tel de la dentelle aux coins des édifices a fait fondre nos cœurs sous un soleil éclatant. Déjà, on pouvait voir des adolescents se promener affublés de l’attirail classique du cowboy : chapeau, bottes, et jeans à taille haute. J’étais follement heureuse (vous savez comme j’aiiiiiime me trouver dans des endroits qui ne me sont pas familiers…).

Plusieurs personnes avaient un petit sourire mystérieux quand nous leur faisions part de nos plans de route. Nous avons compris pourquoi quand, épuisés mais dynamisés, nous sommes arrêtés dans un mini-village pour passer la nuit dans notre tente après avoir parcouru environ 400 km sur une route n’ayant RIEN que les horizons infinis devant soi. Il n’y avait eu qu’un seul arrêt: un commerce vide avec deux pompes à essence, un cowboy qui fumait et un chien qui dormait. Nous avons aussi fait des signes de la main à quelques vaches solitaires, mais elles étaient trop occupées à brouter pour nous répondre. Alors, nous nous sommes retrouvés à Clermont, au pays des gemmes. Là, nous avons rencontré des gens qui vivaient dans un petit parc pour caravanes et gagnaient leur vie en vendant l’or qu’ils trouvaient en fouillant un peu partout. Ils vendaient des détecteurs de métal et essayaient de nous convaincre que nous pourrions gagner notre vie en creusant dans les roches, mais nous devions apprendre comment faire en achetant d’abord un DVD à 79 $...

Puis nous avons atteint les inondations. Il n’avait pas plu autant depuis plus de 150 ans. 80% de la population de St-George a été évacuée. Mais voua savez quoi? La tristesse de perdre sa maison et ses biens était occultée par la joie extrême d’avoir finalement survécu aux dix ans de sécheresse et d’avoir des réservoirs d’eau rempli pour désaltérer tout le monde pendant des années. C’est toujours agréable de voir du bonheur sortir du malheur.

Pendant le voyage, nous avons vu des prairies luxuriantes et des champs desséchés ; partout, le maître pasteur avait réussi à créer un pays adapté pour ses différents cheptels. Comme nous descendions vers le Sud, les vaches côtoyaient des troupeaux immenses de moutons, quelques émeus, une poignée de cerfs et d’alpagas, tous visités par une foule d’oiseaux amicaux, de lapins et bien sûr, de kangourous. Au centre de la Nouvelle-Galles du Sud, nous avons traversé d’immenses champs de coton, de maïs, de lavande et avons vu plusieurs oliveraies. Je vous jure que les petits villages que nous avons traversés n’ont pas vu beaucoup de touristes d’outremer. Un ami australien que nous avons rencontré en chemin nous a aussi affirmé que nous avons vu des paysages que seulement environ 0,2 % d’Australiens ont vus. Eh bien, c’était quelque chose, de prendre une bière de gingembre Bundaberg dans une taverne perdue, fréquentée par des cowboys éreintés.

Chaque village veut tellement kidnapper les voyageurs un moment, qu’ils vous invitent, l’un après l’autre, à plus ou moins 100 km l’un de l’autre, avec de grands panneaux vous informant qu’ils étaient la ville la plus propre d’Australie en 2006, ou la ville la plus amicale du Queensland en 2008, une avait même l’audace de se vanter d’être la capitale du sport d’Australie (!?!). De plus, ils ont l’air de demander à tous leurs concitoyens d’amasser leur vieil équipement agricole, leur argenterie et toutes sortes de bricoles pour créer des musées de fortune, parce que chaque petite communauté nous invitait à visiter leur musée patrimonial dans un grand hangar au milieu du village. Par contre, ils peuvent sans gêne vanter les qualités de leurs aînés, car, partout où nous arrêtions, nous avons rencontré ces gentilles fées du Bush aux blancs cheveux, toujours émerveillées par nos aventures et nous offrant leur plus beau sourire …Nous préférons vraiment les musées patrimoniaux « vivants »!

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Monday, March 15, 2010

La poésie des Bottle Trees

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Sur les vallons vert tendre, mes yeux se perdent à l’infini. Le soleil brille entre deux pluies et parait raviver une rosée scintillante sur chaque brin d’herbe de l’arrière-pays. Mon regard se réapproprie l’horizon et sautille de chef-d'œuvre en chef d’œuvre, tous bien différents les uns des autres, tous uniques.

Ils m’attirent et me réveillent, m’émerveillent et me rappellent le besoin de célébrer la vie. Ces œuvres d’art naturelles sont pour moi des femmes. Des femmes dans toute la splendeur de leur grande variété de formats, toutes aussi magnifiques les unes que les autres dans leur unicité. Elles sont grandes et longues, petites et rondes, certaines ont la taille fine et des hanches comme des collines et d’autres nous surprennent pas la rondeur de leurs fesses. Il y en a même qui ont l’air de porter la vie. Mais, toutes sans exception lèvent leurs bras vers le ciel, qui semblent nous inviter à danser, à célébrer la beauté dans sa variété. En ce mois hôte de la journée internationale de la femme, en voyant cette manifestation de la nature, j’ai réitéré mon souhait de voir un jour des sociétés où les femmes sont bien dans leur peau peu importe le dessin de leurs courbes.

Je vous décris ma vision un peu romancée des Bottle Trees, espèce d’arbre très similaire en apparence aux baobabs, qui peuple les abords des routes désertes du Central Queensland. Juste à les regarder, je me tortillais dans la voiture tellement l’envie de les joindre dans leur danse toute ronde était forte. Une fois arrêtée dans un village de quelques personnes, souvent niché dans le milieu de je ne sais où, je me déliais les jambes en aidant Marc à monter le campement de fortune pour la nuit.

Par un bel après-midi doré et silencieux, quelle ne fut pas notre surprise de voir apparaître un petit homme, tout droit sorti des bois où, nous croyions, vivaient seulement les wallabies, kangourous et wombats. Il marche d’un pas décisif, mais saccadé, ses yeux bleus rivés sur Marc qui s’apprête à devenir « bush mechanic » d’un jour. Richard s’est établi en Australie en 1959 et n’est jamais retourné en Pologne, son pays natal. Il a par contre construit son propre grand voilier dans la baie de Sydney et est parti vivre en Papouasie Nouvelle-Guinée et en Indonésie pour à peu près 10 ans. Dans les années soixante, les îles étaient encore des paradis presque intouchés par l’empreinte occidentale. À travers ses vieilles photos, nous avons vu des tribus danser et des jeunes filles poser, un sourire coquin en coin, bien sur dédié au nomade polonais-australien. Richard nous a partagé ses 73 ans de vie en une seule matinée, avec une simplicité désarmante qui nous a réchauffé le cœur pendant que la pluie refroidissait le continent une fois de plus. Assis à travers toutes ses breloques accumulées au fil de ses vingt ans perdus dans le bush, dans sa maison à l’odeur d’humidité, nous lui avons offert de la compagnie comme il en reçoit rarement. En nous montrant fièrement les arbres fruitiers et les jardins qu’il a plantés, Richard a dit : « I like seeing things grow ». Et bien, avec ce que j’ai connu de lui en un matin, je suis sûre qu’il aurait été un bon grand-papa.

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Monday, March 8, 2010

Cendrillon et les koalas

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Il y a environ un mois, j’étais fatiguée de sentir que je pourrais faire plus pour la planète. Je me sentais tout sauf utile, que ce soit pour les gens ou pour la nature. Alors, j’ai commencé à chercher de l’information sur les projets de bénévolat en nature et conservation de la faune. J’ai trouvé un projet d’échange de travail qui permettait d’approcher la faune australienne dans un environnement pédagogique. De plus, il était mentionné que nous travaillerions avec des animaux blessés. Marc et moi étions tellllllement captivés, que nous avons changé nos plans pour nous diriger vers cet endroit au Nord, Magnetic Island.

Le plan était que nous alternerions le travail : je ferais l’entretien ménager pendant trios semaines pendant que Marc travaillerait avec les animaux et nous ferions l’inverse pendant trois autres semaines. Tout semblait beau, alors on a offert à « Shocker » un voyage en traversier et nous sommes arrivés sur cette magnifique île à quelques kilomètres à l’est de Townsville, dans le Queensland tropical.

Nous sommes restés ici seulement une semaine et nous partons demain matin.
Mais avant de vous dire pourquoi nous partons, je veux vous parler de la magnificence de Magnetic, affectueusement nommée « Maggie » par les résidents. C’est complètement différent du reste de la région. Dès qu’on aperçoit ses littoraux et sa végétation. Nous sommes transportés par un tourbillon de souvenirs qui transforment l’instant présent en un plaisir culminant. Les arbres à feuillage persistent qui peuplent les collines apportent des odeurs de chez nous et la façon dont ils se mêlent aux jolis rochers colorés nous ramènent au merveilleux Big Sur et au nord de la Californie. Cette île est certainement un vortex de quelque sorte, car vous avez l’impression d’être transporté dans un immense site sacré où des ancêtres de pierre protègent vos pas à chaque tournant du chemin. Les formations rocheuses roses qui s’élèvent inspirent le respect et l’émerveillement devant cette île presque inhabitée. Leur forme ronde évoque la sensualité des dunes du désert et sont parfaites pour s’y étendre quand elles ont absorbé les bienfaits d’une journée entière de soleil. Ce qui est encore plus merveilleux à propos de Maggie, c’est qu’il s’agit d’un refuge de Koalas, et que vous pouvez vraiment repérer des taches de mignonnes petites boules de fourrure grise en train de manger des feuilles d’eucalyptus, confortablement assises à la rencontre de deux branches. Les koalas ont beaucoup d’amis sauvages aussi. Rien qu’en se promenant autour de l’auberge où nous logeons, nous avons vu plein de wallabies (même en plein jour!), beaucoup de mignons opossums essayant de s’approprier notre nourriture et plusieurs familles de courlis, l’oiseau avec lequel je suis tombée en amour en novembre dernier dans un parc faunique. Le courlis a de beaux grands yeux séducteurs et est tellement élégant sur ses échasses. Je dois par contre admettre qu’il émet des sons vraiment étranges…ainsi que presque toute la faune australienne, incluant notre mignon koala, qui renifle un peu comme un porc, mais en pire.

Alors, pourquoi partons-nous? Parce que, pour la première fois dans la vie de Steph, elle a eu affaire à un méchant patron, qui semblait prendre plaisir à donner à tous l’impression d’être stupides. Pour la première fois, j’ai senti mon amour inconditionnel être défié et j’ai prié pour être suffisamment « zen » pour transformer toute cette négativité en énergie positive à mesure que le temps passait. Comme je n’étais même pas payée, nous avons simplement décidé de dire notre sincère au revoir à nos amis de la faune et de prendre un nouveau départ. Steph et Marc reprennent la route, prêts pour de nouvelles aventures qui transforment la vie!

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Tuesday, March 2, 2010

Theresa

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Mes gros écouteurs sur les oreilles, j’écoutais avec plaisir ma belle amie Donelle me donner de ses nouvelles depuis les lointains États-Unis d’Amérique. Comme plusieurs de mes beaux amis, je partage avec elle un intérêt marqué pour les cultures autochtones des quatre coins du monde. C’est toujours un peu comme tomber en amour avec le gars le plus populaire de l’école : c’est un amour presque impossible. Se rapprocher de sociétés meurtries est difficile. Comment agir? Démontrer trop d’intérêt peut les agresser et essayer de ralentir le feu de la curiosité peut nous faire passer à côté de plein d’opportunités… Combien de fois nous sommes nous perdues dans le labyrinthe de questions sociologiques qui accompagne tout sujet relié à l’état des Premières Nations…

Afin de ne pas se perdre une fois de plus, je vais continuer ma petite histoire (!). Quand mon tour fut venu de raconter mes nouvelles du bout du monde, je me suis accroché les pieds dans le sujet épineux des aborigènes australiens. Plus nous progressons vers le Nord, plus leur présence se fait marquée et plus les gens nous mettent en garde contre les vols, viols, et toutes sortes d’autres crimes supposément commis en grande majorité par des « Blackfellows ». Jamais ces faits ne nous découragent de visiter de plus en plus de centres culturels aborigènes et de nous informer sur ce que nous pouvons faire pour en apprendre plus sur cette culture millénaire. Mais la blessure centenaire est là, bien souffrante, et se ressent partout à travers la haine entre les blancs et les noirs, même si celle-ci se noie parfois dans des tentatives mutuelles de comprendre la culture de l’autre. On marche toujours sur des œufs. En plus, les opportunités de se rapprocher de communautés autochtones sont rares et difficiles d’accès. J’ai postulé pour un projet de bénévolat de 2 mois dans des petites communautés, mais il fallait avoir résidé en Australie depuis au moins 12 mois. Et le projet que Marc et moi chérissions beaucoup en Terre d’Arnhem se révèle complètement trop cher : on nous demande 800 dollars chacun pour une semaine.

Après avoir partagé mes sentiments avec mon amie, Marc et moi avons mis le cap sur un petit marché local. Et derrière une des tables se trouvait Theresa, ses grosses lèvres obscures trônant sur les reflets d’ocres de ses toiles aux histoires ancestrales. Je me précipite vers elle, renouvelant ma pensée positive. Depuis des mois, je rêve d’acheter une pièce d’art aborigène; mais vous me connaissez bien, je l’achèterai seulement lorsque je serai certaine que c’est équitable pour l’artiste. Voilà ma chance. Theresa commence à parler comme une des abondantes cascades de la jungle environnante. Elle parle! Presque plus que moi! Elle raconte son peuple, qui vient du coin de Darwin. Elle me parle des « dreamings » de ses 7 enfants, dont le gecko, et un joli échassier nommé curlew. Dans sa tribu, lorsqu’un enfant est encore tout petit, la famille porte bien attention à des signes que la nature donne pour trouver l’animal auquel le petit sera associé toute sa vie. Comme un animal totem. Un guide spirituel du monde sauvage. Avec elle, je ne me sens pas mal d’être blanche. Et ça, c’est précieux. Ses enfants me sourient, et nous achetons une toile magnifique, avec une histoire bien réelle qui j’espère contribuera à préserver un peu plus cette culture qui se meurt.

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